L’assurance CNR (Décennale constructeur non réalisateur) : à quoi ça sert ?

Pourquoi souscrire une assurance de responsabilité décennale alors que vous, maître d’ouvrage, ne participez pas, en principe, à l’exécution ni à la conception de l’ouvrage ?

La loi fait peser sur vos épaules la présomption de responsabilité décennale en considérant que vous pilotez l’opération de construction dans son entier. Vous êtes donc en quelques sortes les garants des constructeurs.

Pourquoi souscrire une assurance CNR

Rappelons que l’assurance CNR est obligatoire

L’article L241-1 du Code des Assurances fixe en effet l’obligation d’assurance décennale pour les constructeurs d’ouvrage repris par l’ordonnance du 08 juin 2005.

Sont visés notamment :  le vendeur d’immeubles à construire, le vendeur d’immeubles achevés depuis moins de deux ans, le promoteur immobilier, le mandataire du maître d’ouvrage ayant une fonction assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.

Le contenu de la garantie CNR

Cette garantie couvre les vices cachés relevant de la Responsabilité décennale (atteinte à la solidité, impropriété à destination) qui affectent tant les ouvrages neufs que les travaux avec intervention sur existants devenant indivisibles.

Cette police est généralement souscrite chantier par chantier, couplée à la Dommages ouvrage.

La garantie décennale obligatoire peut être accompagnée de garanties facultatives (Garantie de bon fonctionnement, immatériels consécutifs, existants, isolation phonique)

En synthèse, à la survenance d’un sinistre grave, l’assurance Dommages ouvrage couvre l’ouvrage, tandis que la garantie CNR couvre votre responsabilité décennale.

Quel est l’intérêt de l’assurance décennale constructeur non réalisateur ?

La question se pose. Pour quelles raisons viendrait-on vous rechercher en responsabilité alors même que les entreprises et leurs assureurs seraient dans la cause ?

Outre le fait de pouvoir faire participer l’assureur à la prise en charge des frais d’avocat et de procédure (en l’absence de conflit d’intérêts), la CNR va couvrir les condamnations prononcées à votre encontre sur le fondement décennal.

Dans quel cas intervient cette garantie ? 

  • En cas d’action directe d’un bénéficiaire Dommages-Ouvrage, d’un acquéreur, contre vous parce que son dossier DO serait par exemple prescrit (pour rappel l’acquéreur dispose de deux années à compter de la survenance du sinistre pour faire jouer sa police DO, au-delà il lui reste toujours l’action directe à votre encontre).
  • En cas de saupoudrage de responsabilités par un juge, lorsque par exemple le rapport d’expertise n’aura pas été suffisamment précis dans la détermination des responsabilités.

Mais c’est surtout pour les deux cas suivants que la police CNR présente un réel intérêt : la condamnation in solidum et la responsabilité pour immixtion fautive.


La condamnation in solidum : c’est le risque majeur pour le maître d’ouvrage lorsqu’un entrepreneur mal assuré ou non assuré est liquidé. Chaque partie est tenue responsable pour le tout, indépendamment des imputabilités.


Cette demande de condamnation offre au lésé de diriger son recours global contre une seule partie, souvent celle qui lui parait financièrement la plus solide. S’il s’agit de vous, votre assureur CNR jouera le rôle du « préfinanceur » et exercera ensuite son recours contre les autres intervenants, et il vaut mieux lui que vous…


La responsabilité pour immixtion fautive, c’est ce qu’on appelle aussi la prise de risque par le Maître d’ouvrage.


Les juges vous imputeront un part de responsabilité du fait d’une immixtion fautive. Pour cela, il appartiendra toutefois aux constructeurs de démontrer que vous étiez notoirement compétent, ou que vous aviez été suffisamment éclairé par les autres professionnels.

L’immixtion fautive est en effet une cause d’exonération de la responsabilité des constructeurs. Toutefois elle ne se présume pas…et après tout, le maître d’ouvrage n’est-il pas réputé profane ?

Voici deux cas flagrants d’immixtion fautive :

  • Le Maître d’ouvrage impose ses choix techniques.

Par exemple : une insuffisance de chauffage engendre l’impropriété à destination de l’ouvrage : Responsabilité du Maitre d’ouvrage qui avait décidé de supprimer l’isolation des cages d’ascenseurs et de modifier la ventilation.

  • Le Maître d’ouvrage accepte en toute connaissance de cause les risques :

Par exemple : Responsabilité du Maître d’ouvrage qui accepte le risque de voir apparaitre un désordre en retenant une solution technique pourtant déconseillée par le contrôleur technique et les entreprises, en l’occurrence survenance d’un désordre de tassement prévisible des sols du fait de la solution technique retenue par le Maître d’ouvrage.

Points de vigilance

Pour que les garanties CNR soient mobilisables, il faut que les choix faits par vos soins ne puissent pas pouvoir être interprétés comme des défauts d’aléa, ce qui entrainerait une déchéance de garantie.

Il en sera de même lorsque les juges arriveront à démontrer votre volonté manifeste de ne pas vouloir respecter les règles de l’art.

C’est dans ces cas, qu’interviendra votre police CNR, dont la couverture pourra s’étendre jusqu’au coût total de construction définitif de l’ouvrage (revalorisé selon les indices) et en reprenant notamment des frais tels que les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage.